Il est des moments où quelques groupes, dans les peuples ayant renoncé à eux-mêmes, perdent confiance dans les institutions démocratiques solidaires de l’organisation capitaliste ou libérale de la société. Dans un climat de doute et de désenchantement, ils comprennent vite qu’un retour en arrière est impossible. C’est alors que prend forme une sourde volonté de puissance dirigée contre les auteurs de l’atomisme social générateur de décadence spirituelle et de servitude, entretenue par une aspiration à la grandeur désintéressée libérant l’homme de l’esclavage consumériste et de la haine de soi qu’il induit. La conjonction de ces deux états d’âme - doute et remise en cause radicale d’un présent décadent, soif agressive de santé morale - produit le fascisme. Le fascisme est révolutionnaire parce qu’il a compris que l’esprit réactionnaire qui l’anime est en demeure de réinventer le passé. La négation fasciste du présent se fait par une transfiguration formatrice d’avenir de l’inspiration venue du passé. Nous voudrions dans le présent travail examiner les chances de reviviscence du fascisme aujourd’hui, mais d’un fascisme d’aujourd’hui, ayant gardé mémoire - en en tirant les leçons - de ses prouesses et de ses échecs passés, et se sachant destiné à surgir dans un monde nouveau beaucoup plus perverti que celui qui l’avait vu naître en sa première peau. Un tel examen suppose que soit défini le fascisme, lequel a tenté de se définir en se construisant. Ayant été abattu avant d’achever de s’engendrer, il n’est pas parvenu à accéder au concept adéquat de lui-même. S’interroger sur l’essence du fascisme pour évaluer la pertinence du souhait de son retour, c’est donc le réinventer pour notre temps.