L’Occident se meurt, comme résigné. Il est possible, à ce manque d’instinct de conservation, de trouver diverses raisons plus ou moins convaincantes. Identifier la cause véritable d’un tel collapsus est pourtant la condition sine qua non du réveil de notre désir de vivre, c’est-à-dire de combattre.Déconnecté de toute référence à un Absolu transcendant ayant raison de fin ultime, l’instinct vital des individus et des peuples, leur appétit de victoire, réduits au volontarisme du nihilisme héroïque, dégénèrent en romantisme puis en plat consumérisme, en ce subjectivisme contre lequel ils s’insurgent pourtant parce qu’ils y discernent, précisément, la raison de leur propre décadence.Dissocié du désir d’habiter son monde en y luttant pour coopérer à la pérennité de son ordre immanent, le désir de Dieu se résout, vis-à-vis du monde, en cette indifférence passive qui laisse le champ libre aux fossoyeurs de l’ordre.Le monde moderne est, comme l’enseigne Bernanos, une conjuration contre toute espèce de vie intérieure ; l’intériorité jouit du mérite et requiert comme condition de sa vie propre de nous arracher au monde du divertissement, à cet extérieur mortel et mortifère qui nous dissipe. Et la vie propre de l’intériorité, qui justifie que l’on s’y complaise, nous tourne vers le Transcendant. Mais tout autant l’intérieur dit l’être en puissance, l’indéterminé, l’état de fermentation de ce qui ne s’actualise, ne se découvre qu’en s’extériorisant. Qu’en est-il donc de cet intérieur destiné à n’accéder à la conscience de lui-même qu’à condition de se pencher sur - et même de se dévouer à - ce dont il est pourtant invité à se détourner ? Comment, sous le double rapport de l’Objet désiré et du sujet désirant, concilier immanence et transcendance ?