' L’histoire en France reste volontiers dans les limites de nos frontières, et quand elle les franchit, ce n’est en général que pour faire campagne à la suite de nos armées. Nos plus belles colonies, l’Inde, le Canada, la Louisiane, Haïti, occupent à peine quelques pages dans les volumineuses compilations de nos annalistes, et tout ce qui touche à cette France d’outre-mer, perdue sans retour, se borne à quelques dates, à quelques noms et à de stériles regrets. Non contents d’être oublieux, nous nous montrons encore injustes envers nous-mêmes, et nous calomnions notre pays en disant qu’il n’a ni le génie des voyages, ni le génie des découvertes, ni le génie de la colonisation. C’est là chez nous une opinion profondément enracinée dans un grand nombre d’esprits, mais, très heureusement, aussi fausse qu’elle est populaire, car il est à remarquer que, sauf les questions d’honneur et de gloire militaire, nous sommes toujours prêts, dans les grandes choses, à nous déprécier et dans les bagatelles à exagérer notre valeur. Qu’on examine en effet notre histoire, et l’on verra combien les reproches dont nous venons de parler sont peu fondés...'